Archives mensuelles : mars 2012

Le repos du trappeur 2

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Et oui, c’était prévisible. Nos héros arrivent à la mer et la saison 2 s’achève. Le chasseur d’idées est essoufflé de cette poursuite. Il faut qu’il se pose un instant, laisse filer l’idée comme un pêcheur qui donnerait du mou à sa ligne pour mieux ferrer le poisson ensuite. Mais il peut se reposer sans crainte, elle ne s’échappera plus, il ne la perdra pas de vue.

Le problème lorsque l’on raconte une histoire en l’inventant au fur et à mesure, c’est que ce qui est écrit est fixé. On se rend compte en avançant que l’on aurait dû ajouter des chapitres ou en retrancher, insister sur certains points, sur certains personnages. Bon, faut faire avec. Ce qui est curieux dans cette expérience, c’est l’influence des lectures dans le récit. Ainsi au début j’ai relu quelques Giono  » le chant du monde » bien sûr. Et là, j’ai compris que tout ce qui est métaphore, je pouvais laisser tomber, je n’y arriverais pas. Puis un Stevenson, ce n’est pas « L’île au trésor » mais « le creux de la vague » je voulais voir comment les idées s’enchainaient dans une histoire de voyage, j’ai juste vu qu’on pouvait raconter quelque chose simplement sans fioriture.  Ensuite, et entre autre, il y a eu « 1Q84 », avec des phrases courtes et une structure du récit au cordeau! Et puis je viens de finir Bilbo le hobbit, est-ce que mon histoire se tournera vers le fantastique?

Quand on lit un livre d’écrivain, on se dit: Bon sang! il n’y a que des mots connus, des phrase simples, c’est pas si compliqué d’écrire un texte! Et pourtant, Ha, pourquoi n’ai-je pas, juste, écrit une sorte de scenario! Bing! bing! ( bruit de ma tête sur le mur)

Bref, pour la dernière partie: LA MER, ça va pas être simple pour tout rassembler et donner un sens. Au début, je croyais connaitre la fin de cette histoire, mais en fait je me rend compte que c’est pas si évident. En fait je ne la connait pas plus que vous. Donc, il faut que je prenne un peu d’avance, pour que je puisse revenir en arrière sans être bousculé par le rythme d’une publication par semaine.  Donc la dernière partie : fin Mai. En attendant je trouverais bien quelque chose à afficher tous les vendredi.

                                                                                                                                                                                                                                               Quelques vieux trucs retrouvés sur mes étagères ou qui trainent sur ma table:

lisière fin du jour

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Voilà un pastel format moyen 30×40; reprise des études des arbres au soleil couchant. Je remarque que j’aime bien faire les arbres. Ce qui me plait c’est la lumière qui dessine les branches et les feuillages, ainsi je ne peints pas les branche je fais le vide autour. C’est pas encore au point mais ça vient… ça fait un moment que ce tableau traine parce que je n’ai pas le temps d’y travailler et quand ça dure trop c’est pas bon, et je termine pour m’en débarrasser. Donc, il faudrait le reprendre… Mais je vais plutôt commencer autre chose

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Chapitre 21

Glissant au long des ombres, la barque s’efface dans le mou des vapeurs.

–    Tu crois que c’est nous qu’ils cherchent?

La fillette tend son cou vers le ciel rose. Elle cligne des yeux encore engourdis de sommeil dans le soleil bas du soir. Elle observe la silhouette d’un hélicoptère qui passe bruyamment au dessus du fleuve. Elle a dormi longtemps l’après-midi,  le bruit du moteur l’a réveillé.
Neptune suit un instant le regard de la gamine, laissant les rames flotter.  L’engin disparaît derrière les frondaisons des rives et le pêcheur reprend son rythme régulier de nage.
Depuis qu’ils ont emprunté ce petit bras de fleuve, le paysage est plat. Si plat que le fleuve fainéante, traînassant en de larges méandres et laissant les bateaux assumer leur destin.
–    Ça peut pas être nous… Ils nous chercheraient pas si loin… Tu crois que c’est la police? Non, on dirait pas… Puis de toutes façons, c’est peut-être pas plus mal qu’ils nous trouvent.  Carlos a dit d’aller voir le commissaire Portelli… C’est vrai après tout, on a rien fait… On est pas des bandits, hein, Honhon ?

Neptune sourit à la fillette. Il voit qu’elle lui parle, alors il sourit et rame. Il maintient une progression lente mais régulière, ralentissant parfois pour regarder des chevaux blancs buvant parmi les tamaris, ou pour observer les alignements d’oiseaux roses croisant le ciel immense.
–    Mon père aussi, c’est pas un bandit. C’est pas vrai qu’il est en prison !… C’est un poète, mon père, et un poète ça se met pas en prison… J’aimais bien quand on s’amusait à faire des mots sur le carnet, hi,hi,hi !…

Le regard de la fillette se voile. Il s’égare vers la crête des arbres qui séparent le fleuve du ciel en un liseré doré. Elle soupire :
–    Carlos, il dit n’importe quoi. C’est lui qui ira en prison… Mon père, il fait des conférences, plein. Dans des grandes écoles, des universités, partout dans le monde. Sur la poésie… C’est pour ça qu’il ne peut pas trop s’occuper de moi… Il a tellement de travail ! Alors , il m’a mise au pensionnat, c’est pour ça… Tu m’écoutes, Honhon ? Dis tu m’écoutes ?
Neptune vient de se retourner pour évaluer la trajectoire du canot. Il rame le dos dans le sens du courant pour une nage plus efficace.
–    Je sais bien que t’entends rien, mais bon, quand même !…

La fillette dévisage longuement le pêcheur qui esquisse un nouveau sourire.
–    Comment tu fais, Honhon ? Comment tu fais pour penser ?… Moi quand je pense, je parle dans ma tête… Mais toi, des mots, t’en sais pas… T’en as peut-être jamais entendu… Comment tu fais, alors, pour pas être idiot ?

La fillette réprime un bâillement, laisse traîner machinalement sa main dans l’eau.
–    Et puis, où on va comme ça, hein ?… Tu le sais seulement ? Et puis, je commence à avoir un peu faim… T’as pas faim ? Et puis j’ai envie de faire pipi…
Elle se tient l’entrejambe en se tortillant sur les fesses. Elle désigne du menton la berge toute proche.
–    Pipi Honhon ! Ça presse !

Neptune comprend, il approuve  de la  tête et manœuvre la barque vers une bande de sable. La fillette saute de l’embarcation.
–    Tu peux pas y aller pour moi, fait-elle en disparaissant derrière de hauts roseaux.

A son tour, Neptune prend pied sur la plage. Il étire son dos en grimaçant. Il respire à plein poumon un air épais et tiède, chargé de sel. Des gabians viennent se poser sur les eaux plates du fleuve. Ils flottent sur les vaguelettes comme des bouchons blancs et noirs.
Soudain, un cri :
–    Neptune ! Au secours, au secours !

Les oiseaux s’envolent en braillant quand la fillette perce la haie d’ajonc. Elle court vers le canot en tenant son pantalon mal boutonné.
–    Neptune, un monstre ! Un vrai monstre ! Vite !

Elle saute dans la barque.
– Vite !

Les roseaux s’ouvrent sur une masse noire énorme. L’animal est impressionnant. Des muscles puissants roulent sous sa peau à chacun de ses pas. De la boue séchée macule son large poitrail ouvert d’une longue balafre sanglante.
Neptune fait face au taureau qui s’avance lentement. Il recule sans geste brusque, fixant les yeux rougis de la bête.
–    Neptune, fait la fillette. Vite !

Sentant le contact du canot contre ses mollets, il fait volte-face et saute dans l’embarcation en l’écartant de la berge.
Le taureau ébauche une charge de quelques pas, puis stoppe, les pattes avant dans l’eau. Il accompagne un instant du regard le bateau qui s’éloigne et plonge son mufle dans le courant frais du fleuve.
–    Houa ! Quelle panique! commente la fillette en se reboutonnant.

Le pêcheur a repris sa cadence lente. Il sourit, puis souffle en mimant celui qui essuie une sueur d’angoisse au front. Un vent léger rabat une mèche de cheveux sur les yeux de l’enfant.
–    Hé ! Tu sens, fait-elle en reniflant bruyamment. Tu sens comme ça sent ? C’est l’air de la mer. Honhon, on arrive à la mer !

Alors, sur la bande de sable, entre eau et roseaux, dans le rouge éclat d’un soleil finissant, la bête hurle une longue plainte noire.

Glissant au long des ombres, la barque s’efface dans le mou des vapeurs.

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Chapitre 20
 
Le gris étouffait le matin d’une tristesse inerte.

Une rafale de coups de feu réplique au tir d’Ernesto qui se plaque aussitôt au raz du plancher du pont principal. L’abri de la verrière est bien dérisoire. Elle vole en éclat, tailladant le visage de l’homme en noir. Combien sont-ils dissimulés dans les taillis ? En a-t-il seulement touché un ? Heureusement le bateau donne du gîte vers le fleuve, transformant le flanc de la coque en protection appréciable.
Adossé à la timonerie, Carlos ne peut soutenir son compagnon, mais la cabine le préserve des tirs et le toit terrasse sur lequel il se trouve, lui ouvre une perspective plongeante vers l’avant du navire.
Un homme escalade la rambarde de proue. Les arbres lui facilitent l’accès. Carlos justifie sa réputation de tireur intraitable : l’homme s’effondre dans les branches et y reste accroché. Trophée sanglant.
Le coup de feu a désorienté les tireurs de la berge. Ils déchargent leurs armes sur la cabine, fracassant les vitres et les instruments de bord. Ernesto se replie.
–    ¿ Estás bien, Ernesto? S’inquiète Carlos en voyant apparaître le visage balafré de son complice.
–     Por una cabeza
si ella me olvida
que importa perderme,
mil veces la vida
para que vivir…*, rassure Ernesto

Il le rejoint sur la plate forme arrière, puis contourne la cabine de pilotage. Là, en position dominante sur la berge, il fera un carnage.
Les frémissements de feuillage et les éclairs des tirs indiquent la position des agresseurs. Il y en a trois au moins, peut-être quatre. Dissimulé par les jardinières, il prend le temps de bien repérer ses cibles. Puis, se redressant soudain , il vide son chargeur .
Une silouette troue la végétation et s’affale en avant, la façe dans le fleuve, colorant l’eau d’une trainée rosâtre.  Les tirs se sont arrêtés, combien de touché ?
Courte pause.
Les coups de feu reprennent. À l’avant du bateau cette fois. Carlos réplique.
Ernesto risque un regard à travers les vitres brisées de la timonerie. Deux hommes courent sur le pont principal, couvrant leur progression par le feu nourri de leur kalachnikovs. Un autre agonise sur le plat-bord de proue.
L’ultime balle d’Ernesto explose la tête du premier. Carlos tire à son tour et le deuxième s’écroule à travers la verrière détruite.
–    Ersnesto…, souffle Carlos. Ernesto…

Ernesto rampe vers son compagnon. Carlos gît dans une flaque écarlate. Son sang s’échappe en longues coulées des orifices laissés par les balles sur son manteau noir. Il lève des yeux désolés vers son ami.
–    Ernesto, mi… Mi amor, crache t-il.

Puis sa tête roule sur le côté.
Ernesto s’empare du corps de Carlos. Il l’enlace et le serre contre lui. Il voudrait embrasser ce visage mort qui dodeline sur sa poitrine. Il crie, hurle sa peine, s’oubliant dans sa détresse. Il ne voit pas l’homme qui jaillit hors de la timonerie et qui fait feu. C’est le deuxième homme, celui qui a chuté à travers la verrière.
Ernesto rugit. Le corps de Carlos a absorbé les balles.
Il s’élance sur le tireur. Il ne sent pas la douleur dans sa poitrine perforée par un nouveau tir. Il écrase  l’agresseur de tout son poids de colosse, les mains crispées sur la gorge. Puis, il se relève, tenant au bout des ses bras tendus, un petit homme qui agite frénétiquement les pieds dans le vide. Les pouces d’Ernesto écrasent la trachée, il peut sentir craquer la colonne vertébrale.
Il y a un dernier coup de feu. Ernesto presse alors l’homme tout contre lui. Il l’étreint en chatonnant à son oreille.
–   Silencio en la noche Ya todo está en calma
El músculo duerme La ambición descansa
Un coro lejano de madres que cantan
mecen en sus cunas nuevas esperanzas.
Silencio en la noche Silencio en las almas*

Il esquisse deux ou trois pas de tango. Puis il bascule dans le fleuve entraînant son partenaire dans la noirceur des courants.

                                                           ***

Neptune reprend son souffle. Sa poitrine lui fait mal. Son dos lui fait mal. Ses phalanges sont raidies d’avoir serré les avirons avec tant de rage. Il masse ses mains l’une contre l’autre pour les assouplir. Il a ramé si vite, si longtemps ! Mais la gamine le pressait, il devait apaiser sa terreur, l’amener loin des coups de feu. Puis le fleuve s’est ramifié, alors il a suivit un  bras étroit qui lui rappelait sa rivière.
Maintenant la fillette est calmée. Il peut laisser  le canot glisser doucement sous  l’ombrage d’un saule. Soudain, des hurlements de sirènes. Sur un pont, à quelques mètres en aval, plusieurs véhicules de police passent en trombe.
–    Peuh ! Ils arriveront trop tard, fait la fillette. Tu penses que Carlos va les attendre !… Il est déjà loin, Carlos.

* « Por una cabeza »,   « Silencio ». Carlos Guardel

Le gris étouffait le matin d’une tristesse inerte.

Petits formats

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Reprise des petits formats pastels aux crayons… J’ai remarqué qu’ utiliser le crayon noir donnait de l’énergie aux couleurs, bien souvent cela permet de définir des formes lorsqu’on l’utilise en trait de contour et que l’on colorie à l’intérieur comme pour une B.D. Mais, là, je l’utilise comme une couleur et je ne suis pas sûr que ça fonctionne aussi bien

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Chapitre 19

Le ravin écoulait les résidus d’orage.

La chevrotine fait voler en éclat le plancher à quelques centimètres de la tête de Carlos. Philibert pointe à nouveau son vieux fusil, sans précipitation cette fois. Il prend appuis sur le toit terrasse des appartements de poupe sur lequel gît sa cible. La plaie de son front a cessé de couler. Elle barbouille son visage de traînées sanglantes qui se coagulent dans sa barbe en croûtes répugnantes.
Il est si près, comment a t-il pu le manquer ?
Il n’aura pas de seconde chance, sa tête éclate définitivement et il s’écroule par dessus bord, happé par le fleuve.
Ernesto garde son pistolet tendu en direction de la porte de la timonerie où se tenait Philibert. Masqué par le canot, il à échappé a la vigilance du marinier. Il contourne le corps de logement et risque un œil à l’intérieur du poste de pilotage. La roue du gouvernail oscille doucement sur son axe, libre. Il n’y a personne. Rassuré, il se hisse sur le toit terrasse et rejoint son acolyte.
La jambe droite de Carlos semble dotée d’un deuxième genoux faisant une bosse insolite sous son pantalon.
–    La chica, Ernesto, souffle t-il. La chica primero.

Ernesto laisse traîner une main réconfortante sur l’épaule de son complice et s’écarte comme à regret.
La porte de la timonerie se balance en grinçant, révélant un habitacle toujours désert. Des bruits de coups proviennent de l’intérieur du navire. Ernesto repère le petit escalier donnant aux appartements. Il descend silencieusement les degrés, prêt à tirer.
Au bout de la grande pièce atelier, Neptune frappe des deux mains la petite porte de la cabine de proue. Il s’interrompt pour actionner vainement la poignée et frappe à nouveau.
–    Hon, honhon ! appelle t-il.

Ernesto traverse la pièce. Il écarte autoritairement le pêcheur et d’un coup de pied puissant, arrache la porte à sa serrure.
La gamine est là, recroquevillée au fond de la couchette. Elle fixe terrorisée l’homme en noir qui braque sur elle un pistolet. Ernesto baisse son arme. Il tend une main vers elle comme une injonction à le suivre.
–      Penas Ruego
        es todo el barrio malevo
        melodía de arrabal…* commande t-il.

Soudain une secousse violente et un raclement sourd ébranlent la coque du navire. Ernesto, projeté vers l’avant, s’affale sur le sommier suspendu qui s’effondre.
Il se relève vite, réajuste son chapeau et range son arme dans les profondeurs de son manteau qu’il époussette machinalement. Dehors, Carlos appelle. Il doit crier fort car on l’entend distinctement.
–    ¡ Ernesto, la chica! ¡ La chica !

Le choc a sorti la fillette de sa torpeur. Elle saisit la main tendue d’Ernesto qui l’invite à se redresser et le suit, résignée.
Neptune masse son épaule meurtrie par la secousse. Il regarde s’éloigner ce couple improbable, guettant un signe, un regard de l’enfant, puis, lui emboîte le pas.
Carlos s’est traîné au niveau de la timonerie. Il s’est adossé contre la cloison de façon à avoir une vue plongeante à l’intérieur du poste de pilotage à travers les étroites fenêtres de la cabine. Il est à la limite du toit terrasse, au niveau d’une  petite échelle qui permet de descendre sur le pont principal. Sa jambe droite a toujours un anatomie invraisemblable et de grosses gouttes de sueur perlent sous le pansement qui lui bande l’oreille et le front. Il ne fait pas si chaud pourtant, mais la douleur doit être terrible.
–    Ah ! Té voilà chiquita… Enfin, fait-il lorsque la fillette se montre à l’ouverture de la porte. Approché… Mounté là, à côté…

La gamine pâlit quand elle aperçoit le membre brisé.
–    Carlos ! Mon Dieu…
–    Tou vois, rien n’arrêté Tonton Carlos, nada… Jamais , il né té laissé toumber, tou vois…
–    Tu as mal ?
–    Moi, c’est pas la question… On a pas beaucoup dé temps, niña.
–    Il faut te soigner, il faut un docteur.

L’homme saisit l’enfant par le bras et l’attire à lui.
–    On a pas beaucoup dé temps, maintenant qu’ils nous ont rétrouvé… Régardé, régardé où nous sommés. Ils auront vité fait.

La péniche est échouée sur une longue bande de terre, en diagonale du fleuve. Sa proue a fracassé les arbres du rivage, les branches brisées semblent la retenir comme les mâchoires d’un piège. La plus grande partie du navire est toujours entourée d’eau, mais la coque est trop enfoncée dans le limon pour que les courants puissent la dégager.
Ernesto s’est avancé sur le pont principal, juste entre le corps de timonerie et les écoutilles transformées en verrière. De là, il voit distinctement l’avant du bateau et toute la longueur de la berge. Neptune reste sur le pas de la porte. Perplexe et inutile, il observe l’étrange dialogue.
–    Qui Carlos, qui me cherche ?
–    Ils t’ont trouvé, niñita … Et c’est à caussé dé moi… Ils nous suivent dépuis la villé… Ah ! j’aurais dû té laisser… Té laisser avec ton grand typé…
–    Qui?  Dis-moi maintenant… J’ai peur, tu me fais peur… Et mon père ? Où est mon père ?
–    Ton pèré?… Tou m’as yamais cru, hé, niñita ? T’as yamais fait confiance à Tonton Carlos, pourtant…
–    Tu m’as enlevé, tu m’as kidnappé !
–    Yé té l’ai dit… Yé té l’ai toujours dit… Yé t’ai yamais enlevé, mais tou né m’écouté pas… Mainténant, il faut qué tou m’écoutés… Qué tou écoutés ton oncle…
–    T’es pas mon oncle! Arête avec ça, t’es pas comme mon père, t’es méchant !

Ernesto s’accroupit à l’abri de l’hiloire supportant la verrière. Sur la berge, des branches bougent, il n’y a pas le moindre vent.
–    Pourtant nous sommés frèré, pour ça,  oui ! …  Ecouté ! On a pas lé temps dé finasser. J’aurais peut-être dû tout té diré, on en sérait pas là… Tou m’aurais suivi sans discuter, ha, maldita…. Mais il est trop fier ton pèré… « Juré -moi Carlos qué tou né lui dis pas, juré -moi! »… Toujours à fairé croiré, à sé fairé des histoirés… Ton pèré, c’est pas ce qu’il racconté… Quand on est comme nous, faut pas sé diré qu’on est autré chossé. Voilà où ça mèné.
–    Carlos, qu’est-ce que tu racontes ?

Ernesto a sorti son arme, il inspecte les taillis du rivage.
–    C’est ton pèré qui m’a demandé d’aller té prendré au pensionnat, continue Carlos.
–    Oui, tu m’as dis qu’on allait voir Papa et puis…
–    Ton pèré, il est en prison ! hurle Carlos.

La fillette se redresse brusquement, livide. Carlos ne lui laisse pas le temps de se ressaisir.
–    Il y a lé canot à l’arrièré. Dis à ton grand typé… Et filez ! … Filez et cachez-vous ! … Et puis la policé, y a plous lé choix. Oui, lé commissairé Portelli, filez, foutez lé camp !… Souviens-toi : Portelli…

Derrière la verrière du pont principal, Ernesto vise soigneusement l’éclat froid d’une pièce de métal qui scintille  dans l’ombre des buissons…

Et tire.

*  Melodía de arrabal  Carlos Gardel

Le ravin écoulait les résidus d'orage.

Petits formats

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Petites études préparatoires aux pastels pour grand format.

petits formats

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Je ne trouve toujours pas de solution pour ces petits formats aux crayons. Certains fonctionnent, d’autres pas. Bien sûr la reproduction gomme beaucoup de nuances, mais bon…  Par rapport à la pratique du pastels le crayon privilégie le trait et mon trait est confus. De plus il faut travailler en foncé sur clair et comme pour l’aquarelle laisser le clair en réserve. Ça, je sais mal le faire. Voici deux tentatives sur un même motif. Je n’était pas satisfait de la première alors j’en ai fait une autre mais c’est pas mieux…

 

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Chapitre 18
Il affûtait ses sensations aux limites glauques des futaies immergées.

La fraîcheur de l’eau ranime aussitôt le pêcheur. Il reste un instant à barboter dans le courant reprenant souffle et esprit.
La coque du bateau a glissé à ses côtés et déjà la poupe le dépasse dans une brouillade d’écume. Il doit rejoindre la péniche, vite, s’accrocher quelque part et monter à bord. Neptune est un bon nageur mais ses vêtements entravent ses mouvements. Il s’épuise sans réduire la distance. Le bâtiment s’éloigne irrémédiablement.
Là bas, au bout du fleuve, une structure grisâtre avance sur l’eau. Il distingue mal sa fonction mais elle barre le fleuve de part en part. Une digue… Un barrage…
La berge n’est pas très loin, il ira plus vite par voie terrestre. S’aidant des courants, il nage jusqu’à une bande de hauts roseaux et prend pied dans une fange limoneuse qui semble aspirer ses pas. Ce n’est pas encore la rive.
Maintenant, il voit bien le barrage. Un long chenal introduit les navires jusqu’à une écluse ultra moderne. La péniche attend à son embouchure qu’un bateau de promenade  libère l’accès.
Neptune marche à l’aveugle dans les hautes gerbes. Il pénètre les végétaux s’aidant de ses deux bras comme s’il nageait encore. Les tiges se font moins denses, encore quelques mètres pour atteindre un sol plus ferme, un chemin, une route. Il écarte vivement une dernière brassée de roseaux et se fige soudain devant la gueule noire d’un pistolet.
–    Tou en a mis dou temps, pescador, fait Carlos.

La Panda est stationnée à quelques pas derrière le malfrat. Le moteur tourne au ralenti, Ernesto attend au volant, ses lèvres bougent sur des paroles inaudibles.
Le pêcheur cherche du regard une échappatoire possible, mais l’homme est trop près, son arme ne lui laisserait aucune chance. Le visage de Carlos se déforme d’une sorte de sourire. Il se veut rassurant. Il ouvre sa main libre en signe d’apaisement et écarte lentement l’arme du pêcheur.
–    Tranquillé amigo, né craint rien. On veut la mêmé chosé. Tien, régardé.

Il range l’automatique dans la poche intérieure de son manteau et présente ses deux mains vides.
–    Tou vois… Dou mêmé camp.

Neptune comprend. Pas d’hésitation. Le bateau est au bout du fleuve. Toujours stoppé, mais pour combien de temps encore ?
–    Hon ! Fait-il en indiquant compulsivement la direction du barrage.
–    Yé sais, pescador, vité ! Vamos !

Carlos rabat le siège avant de la petite Fiat.
–    Monté !

Neptune s’engouffre à l’arrière de la voiture. Il n’y a pas de banquette, remplacée par un tapis de prospectus publicitaires froissés.
La voiture démarre dans la protestation stridente de ses quatre chevaux poussés à fond. L’habitacle du véhicule s’adapte mal aux corpulences corporelles, mais la situation du pêcheur est certainement plus confortable que celle des passagers avant, serrés aux épaules et le chapeau écrasé sur les yeux par un plafond trop bas.
Au bout de la ligne droite, juste avant le virage qui dirige la route vers le barrage, plusieurs véhicules sont garés sur le bas côté. Un élévateur, à l’arrière d’un camion amène une nacelle au niveau des hautes branches d’un vieux platane. Au abord du camion, quelques personnes discutent et gesticulent, l’une d’elles criant des consignes à l’élagueur emmené par la nacelle. Devant une fourgonnette à l’enseigne des services municipaux, un jeune homme, affublé d’un gilet à bandes fluorescentes et tenant un panneau circulaire rouge, fait signe de ralentir.
La Fiat ne ralentit pas. Elle percute le triangle de signalisation posée sur la chaussée, frôle le jeune homme qui s’écarte vivement, passe en trombe devant le camion juste avant qu’une grosse branche se fracasse sur le bitume.
La voiture suivante doit freiner. C’est un imposant 4×4 allemand aux vitres fumées. Il contourne la masse végétale à la limite du fossé en écrasant les extrémités des branchages, et, sans attendre les bûcherons furieux qui s’approchent, accélère dans un crissement de pneus.
–    Connasse de con ! Fait l’un d’eux.
–    Ça va Jason, t’as rien ? Fait un autre.

Après le virage les constructions du barrage sont visibles. La route franchit un bras de fleuve sur un barrage secondaire et continue en ligne droite sur une longue île étroite. Les infrastructures occupent pratiquement toute île. Au bout se dresse la tour de contrôle de l’écluse dominant le barrage principal, les parkings et les quais.
La Panda s’écarte de la route pour emprunter une voie latérale donnant sur les parkings. Le chenal est vide. La péniche s’est déjà enfoncée dans l’écluse.
Un rail de sécurité sépare le parking des quais. Ernesto freine trop tard. La voiture heurte violemment la barrière et se plaque par le côté contre le rail, condamnant la portière du passager. Un jet de vapeur s’échappe du moteur.
D’un coup de pied décisif, Neptune éclate la serrure du hayon. Il court sur le quai. La péniche est en contrebas, plus loin. Les ventaux de l’écluse sont ouverts libérant le bateau qui active son moteur.
Quelques badauds désœuvrés, attirés par la manœuvre encombrent le trajet. Certains s’écartent surpris, d’autres sont bousculés sans ménagement par le pêcheur. Il rejoint l’aplomb de la péniche, enjambe le garde-fou et saute. Il roule sur le toit de la cabine de pilotage compensant en parti le dénivelé entre le quai et le bateau.
Ernesto puis Carlos ont sauté à leur tour. Ils atteignent de justesse le pont arrière.
–    ¡ Puta, mi pierna! ¡ Mi pierna! hurle Carlos.

La péniche passe les portes de l’écluse et disparaît sous la route donnant accès au barrage et traversant le fleuve.
De l’autre côté, l’ouvrage révèle son impressionnante masse. Le gros 4×4 qui vient de stopper juste au dessus apparaît bien dérisoire. Carlos distingue mal l’homme qui en sort et qui téléphone. Sans ses lunettes noires, le soleil l’éblouit et il a mal, terriblement mal à la jambe.

Il affûtait ses sensations aux limites glauques des futaies immergées.