LE VRAI MONDE (suite)
Le barbare fit quelques pas, emporté par l’élan puis s’arrêta. Je l’avais touché mais sa cuirasse l’avait protégé. Il me repéra et aussitôt, méprisant la flèche plantée au dessus de l’aine, dévia en ma direction. Je m’appliquais, visant la chair dénudée du cou, et tirai à nouveau. Le trait se perdit dans les herbes. Le nain avait roulé sur le côté et déjà reprenait sa course. C’était un guerrier expérimenté qui savait parer les attaques à distance. Un chef.
Je devais préserver un écart suffisant et la surprise de l’attaque. La distance, toujours la distance… Je glissai le long de la paroi et remarquai à l’est, un bloc de moindre hauteur mais qui, fissuré en son sommet, permettait d’ajuster une cible sans être vu.
Le guerrier se hâtait vers mon ancien poste, présentant son flanc droit. Mon tir fut plus précis, ricochant sur le gorgerin. Le prochain serait fatal, il le compris. Il cessa de courir et sans se soucier de me localiser, porta à sa bouche le cor qui pendait à son côté. Son appel fut bref. Le barbare s’écroula, la gorge déchiré d’une ultime flèche.
Le corps s’effaçait lorsque j’arrivai et je fis aussitôt l’inventaire de mes gains. Ni la hache de guerre, ni la corne d’alarme ne m’intéressaient. Je me serais réjoui de la bourse remplie d’écus, s’il n’y avait eu la relique. Son or irradiait, ternissant le jaune pale des gentianes – en fait, ce n’était pas des gentianes mais c’était bien imité. Je compris alors l’empressement du guerrier.
Une relique est un petit objet, tenant facilement dans une main, représentant une figure énigmatique, mi l’ange mi démon- le terme est d’ailleurs inapproprié, « amulette » serait plus juste. La relique donne a son détenteur de nombreux pouvoirs. En posséder le nombre requis assure la victoire finale. J’avais dérobé une relique, mon rang allait sacrément progresser dans la hiérarchie de la Guilde, si toutefois je parvenais à mettre mon trophée en lieu sûr.
L’alerte avait été donné et déjà, dans le ciel limpide, une noire menace planait en larges boucles. Un corbeau, un espion, une avant-garde… M’avait-on repéré ? J’armai mon arc quand soudain, surgissant du chaos, fondit sur moi, un cavalier. Le dragon des armoiries marquait un rang élevé, mais je ne m’attardai pas à admirer le riche harnachement du destrier, ni les fines ciselures de l’armure.
Ma flèche s’écrasa sur le bouclier, je ne pu éviter le sabre et je perdis la vie.
(à suivre)